Dans le cadre de la séance des questions d'actualité au gouvernement du jeudi 11 octobre, Michel Berson a interrogé Genviève Fiorason, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche.
Michel Berson : Les conditions de vie des étudiants
sont des facteurs clés de leur réussite à l’université. Or les étudiants
connaissent aujourd’hui une véritable galère pour se loger, entre la pénurie de
places en résidences universitaires et les chambres louées à des prix
exorbitants.
Le désengagement de l’État, depuis dix ans, dans la construction
de résidences universitaires, le comportement, parfois abusif, de certains
bailleurs privés et les agissements de certaines agences immobilières vendant
des listes, souvent factices, d’appartements à louer expliquent cette situation
insupportable vécue par un étudiant sur deux. Je dis bien « un étudiant
sur deux » !
La France compte un peu plus de
2 millions d’étudiants, mais il n’y a que 165 000 places en
cités universitaires, 150 000 en résidences privées, et
700 000 étudiants vivent chez leurs parents. Ce sont donc bien un
million d’étudiants, c’est-à-dire un étudiant sur deux, qui cherchent à se
loger.
Ces dernières années, les plans se
sont succédé, mais la pénurie de logements étudiants a perduré.
Dans le plan Anciaux de 2004, le
Gouvernement avait pris l’engagement de créer 5 000 logements
étudiants par an et d’en réhabiliter 7 000 chaque année. Moins de
60 % de ces objectifs ont été atteints. Résultat : seuls 8 % des
étudiants bénéficient d’un logement géré par le CROUS.
Sur les 13 000 logements
annoncés dans le plan Campus, aucun n’a été réalisé !
Quant au « passeport
logement », qui devait faciliter l’accès des étudiants au parc privé, il a
donné lieu à la signature de sept contrats seulement.
Dès lors, les loyers, d’un montant
s’échelonnant de 450 à 700 euros par mois pour un studio, pèsent de
plus en plus lourd dans le budget des étudiants, pour représenter de 40 %
à 45 % de leurs dépenses. Conséquence : 50 % des étudiants sont
obligés d’avoir une activité salariée pendant leurs études.
Ces chiffres sont accablants pour
les précédents gouvernements.
Madame le ministre, le Président de
la République a fait de l’éducation et de la jeunesse la priorité de son
action. Dès lors, comment le Gouvernement entend-il répondre à l’attente des étudiants
qui veulent tout simplement se loger dignement à des prix raisonnables pour
pouvoir étudier et réussir ?
Mme Geneviève Fioraso : Monsieur le sénateur, la réussite des étudiants – de tous
les étudiants ! – est la priorité de ce gouvernement.
Or, vous l’avez dit, toutes les
études démontrent l’impact des conditions de vie sur l’échec en premier cycle.
Elles démontrent aussi que la démocratisation de l’accès à l’enseignement
supérieur est en panne, avec moins de 9 % de jeunes issus de milieux
modestes en mastère.
Le logement, vous l’avez relevé à
juste titre, pèse pour beaucoup dans la dégradation des conditions de vie des
étudiants, lesquels doivent par conséquent exercer une activité professionnelle
– je devrais plutôt dire des « petits boulots » –, ce qui
obère évidemment leurs chances de réussite, notamment dans le premier cycle
universitaire.
Comme cela nous a été dit ce matin
à Thierry Repentin et moi-même à l’université de Cergy-Pontoise, où certains
d’entre vous étaient d’ailleurs présents, mesdames, messieurs les sénateurs, le
montant des loyers en région parisienne atteint jusqu’à 70 % du budget
mensuel d’un étudiant. Comment réussir ses études dans ces conditions ?
À Lyon, Lille, Aix-en-Provence,
Bordeaux, entre autres agglomérations sous tension, ce montant atteint de
40 % à 50 % du budget mensuel.
Les difficultés à trouver un
logement pénalisent en particulier les jeunes issus de milieux modestes et ceux
qui viennent de l’étranger.
Monsieur Berson, vous avez cité le plan
Anciaux, qui a échoué dans ses objectifs, ou le plan Campus, autre échec
patent. Quatre ans après le lancement de cette opération, aucun chantier n’a
été lancé, aucune demande de permis de construire n’a été déposée, alors que
les treize projets annoncés en 2007 prévoyaient la création de 13 000
logements !
J’en viens à la réalité du terrain.
On le voit, cette réalité est bien loin des effets d’annonce incessants du
gouvernement précédent, des milliards survendus médiatiquement, recyclés mais
jamais dépensés.
Pour rattraper ce retard, qui
pénalise la réussite étudiante, le Président de la République s’est engagé sur
un objectif clair : la création de 40 000 logements en cinq ans.
Dès lors, avec ma collègue ministre
du logement, nous mettons les bouchées doubles en utilisant la mobilisation du
foncier public mis à disposition des collectivités locales. Nous voulons
réserver, chaque année, 6 000 des 150 000 logements sociaux qui
seront construits à des logements étudiants.
Nous changeons radicalement de
méthode, en associant les collectivités territoriales – cela devrait vous
intéresser mesdames, messieurs les sénateurs –, ce qui n’avait jamais été
fait au cours du précédent quinquennat ! Le projet de loi de
finances prévoit de multiplier par cinq nos aides au logement. Des opérations
recensant 24 000 logements ont déjà été identifiées.
À côté du logement collectif et
social, nous nous intéressons également au logement privé. Pour cela, nous
allons améliorer la situation par l’encadrement des loyers Nous allons aussi instaurer un passeport
locatif étudiant, lequel remplacera avantageusement le dispositif de mon
prédécesseur qui a fait fiasco.
Alors que sept accords seulement
avaient été signés en un an et demi, sachez que, dans les régions Aquitaine et
Midi-Pyrénées, 6 000 contrats ont été conclus sur la base
d’initiatives régionales intelligentes et raisonnables.
Pour terminer, je le répète, la vie et la
réussite du parcours des étudiants bénéficieront d’un budget en hausse. Cet
effort illustre notre priorité nationale en faveur de la jeunesse, de
l’enseignement et de l’éducation.