Texte de l’intervention de Michel Berson, lors de l’examen des crédits de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en Commission des Finances du Sénat.
« La somme des budgets des sept programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche devrait atteindre 11,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en 2017, ce qui représente une hausse en autorisations d’engagement de 3,5 % et de 2,4 % en crédits de paiement par rapport aux crédits votés par le Parlement en loi de finances pour 2016.
Ces hausses de crédits sont très significatives, en dépit d’un contexte budgétaire qui demeure très contraint. Elles méritent d’être saluées, car elles traduisent l’importance qu’attache le Gouvernement à la politique publique de la recherche, qui est au coeur de la croissance des économies industrialisées.
Un sujet fait débat : le financement de la recherche par projets, financement complémentaire des crédits récurrents accordés aux organismes de recherche et aux universités.
Depuis maintenant une quinzaine d’années, dans les pays industrialisés qui se situent à la frontière de la connaissance, les équipes de chercheurs peuvent candidater lors d’appels à projets compétitifs pour obtenir les financements nécessaires au développement de leurs projets de recherche. Cette mise en concurrence a vocation à dynamiser la recherche, sans pour autant constituer son unique mode de financement, puisque les crédits récurrents des organismes de recherche demeurent très largement majoritaires.
L’Agence nationale de la recherche, l’ANR, a précisément pour mission la mise en oeuvre du financement de la recherche sur projets dans notre pays en répartissant les crédits d’intervention qui lui sont alloués.
À partir de 2009, cette dotation a progressivement diminué. La baisse s’est accélérée à partir de 2013 lorsque le Gouvernement a décidé de réduire cette enveloppe au profit des subventions aux
organismes de recherche. Ces crédits ont atteint un point bas en 2015, à 510 millions d’euros, contre 850 millions d’euros en 2008.
Les années précédentes, je m’étais inquiété de la réduction de la dotation budgétaire de l’ANR dans la mesure où elle était susceptible de menacer la viabilité du système français de financement sur projets, lequel constitue un levier d’excellence performant et de plus en plus utilisé dans le monde entier. En 2015, le Gouvernement a décidé de mettre fin à ce mouvement de baisse en allouant 63,9 millions d’euros supplémentaires à l’ANR. Cette hausse va nettement s’amplifier en 2017 puisque les moyens budgétaires de l’ANR s’élèveront à 703,4 millions d’euros en autorisations de programme, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2016, et à 639,4 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8 %, conformément à l’engagement que le Président de la République a pris en mars 2016.
S’il convient de se féliciter de la hausse des moyens de l’ANR pour 2017, le montant des crédits que devrait répartir l’agence d’un grand pays industrialisé comme la France devrait, selon moi, approcher le milliard d’euros, soit un peu plus de 10 % des crédits mobilisés chaque année pour la recherche publique.
La baisse de la dotation de l’ANR et l’augmentation continue du nombre de soumissions de projets ont eu pour conséquence de diminuer le taux de succès moyen aux appels à projets de l’agence, qui est passé de 25,7 % en 2005 à 20,1 % en 2012, puis à 10,2 % des projets présentés en 2014.
Ce taux s’est légèrement amélioré en 2015 et devrait poursuivre sa remontée en 2016, puis en 2017, grâce à la hausse des crédits d’intervention de l’ANR, sans pour autant atteindre la barre des 15 % de sélection annoncée par le Président de la République et a fortiori le taux moyen de sélection de 24 % en vigueur dans les autres pays de l’Union européenne.
Je voudrais souligner qu’un taux d’échec trop important, voire franchement déraisonnable, provoque un découragement de beaucoup de chercheurs, qui voient leurs excellents projets rejetés, sans véritable raison, alors qu’ils ont pourtant reçu de très bonnes appréciations, ainsi qu’en ont témoigné devant moi plusieurs dirigeants d’organismes publics. Il s’agit donc là d’un réel sujet de préoccupation..
En ce qui concerne les financements européens, qui sont également des financements sur projets compétitifs, les premiers chiffres du programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe ne sont guère flatteurs pour notre pays.
Les participations françaises représentent à ce stade un total de 1,7 milliard d’euros, soit 10,4 % des financements disponibles, contre 11,3 % sur l’ensemble du précédent programme-cadre de recherche et développement technologique, le septième PCRDT. Toujours par rapport au septième PCRDT, on observe une diminution inquiétante de la proportion des projets retenus à participation française, passée de 27,7 % à 22,1 %.
Si l’Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent traditionnellement plus de financements européens que notre pays, la France est désormais rattrapée par les Pays-Bas et surtout par l’Espagne, qui l’a dépassée en 2015.
Dans la perspective d’une politique volontariste et incitative, il apparaît nécessaire de renforcer notre dispositif de pilotage de la participation aux programmes de recherche de l’Union européenne.
Quelques considérations plus générales sur le budget de la recherche dans notre pays.
Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche, tels qu’ils sont prévus dans les lois de finances initiales, auront progressé de 3,4 % entre 2012 et 2017.
En l’an 2000, il avait été décidé que l’effort de recherche de chaque État membre de l’Union européenne devrait atteindre 3 % du PIB d’ici à 2020. La France et l’Allemagne consacraient alors l’une et l’autre 2,15 % de leur PIB à la recherche publique et privée. En 2015, la France ne parvenait à consacrer que 2,26% de son PIB à la recherche, quand l’Allemagne était parvenue à dépasser les 3 %.
Les responsables des organismes de recherche que j’ai rencontrés ont fait valoir que c’est l’avenir de la recherche française, en particulier son rayonnement dans le monde, qui se jouerait dans les prochaines années et qu’un risque de décrochage de la recherche était réel.
Pour que la France ne se laisse pas distancer dans la compétition internationale, pour qu’elle reste la cinquième puissance scientifique mondiale, elle doit réaffirmer de façon tangible son ambition d’atteindre ce taux de 3 % du PIB, soit 2 % pour la recherche privée et 1 % pour la recherche publique.
Dans le domaine de la recherche publique, passer du taux actuel de 0,8 % du PIB au taux de 1 % représente un effort important, mais indispensable. En dépit des contraintes budgétaires fortes, on ne peut réaliser d’économies sur la recherche publique, notamment sur la recherche fondamentale, car c’est elle qui permet le développement de la recherche appliquée et qui conduit aux innovations de rupture. En outre, cet effort de 0,2 %, soit 4,5 milliards d’euros, pour atteindre le 1 % du PIB, n’est pas insurmontable. Étalé sur cinq années, il représenterait moins d’un milliard d’euros supplémentaires par an. La mise en oeuvre d’une ambitieuse loi de programmation pour la recherche publique pour la prochaine législature, 2017-2022, permettrait d’atteindre cet objectif.
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