La gestion des collectivités territoriales de notre pays n’est pas un sujet qui déchaîne les passions des médias et de l’opinion. Pourtant, la manière dont elle est conduite impacte très fortement sur la vie quotidienne de nos concitoyens. A un moment où les bizarreries institutionnelles, les copinages, les parachutes dorés, les coups bas se multiplient au plus haut niveau de l’Etat, un cumul inquiétant semble passer inaperçu. Nicolas Sarkozy n’est pas seulement, Ministre de l’Intérieur, président du parti de la majorité et candidat à l’élection présidentielle, il est aussi président du Conseil général des Hauts de Seine.
Un cumul dangereux
Cette dernière fonction ne tient pas du simple cumul, le Ministre de l’Intérieur ayant dans le dispositif gouvernemental la responsabilité des collectivités locales. Or, après les lois Raffarin / Villepin sur la décentralisation et avec la multiplication des transferts de charges mal compensés, le Président en exercice du Conseil général le plus riche du pays n’est pas le plus indiqué pour appréhender les problématiques des départements.
Aurait-on idée de confier à Ben Johnson la tête d’une autorité de lutte contre le dopage ou à George W. Bush le secrétariat général d’Amnesty International ? Non. Et bien, en France, la responsabilité de la résorption de la fracture territoriale est laissée au président de la plus riche d’entre elle, une richesse qui n’est pas due à la gestion exemplaire d’un département mais à une donnée historique. A la tête de la Californie française, 35ème puissance économique mondiale (niveau de la Grèce), le Ministre de l’Intérieur dispose de marges de manœuvre en tant qu’élu local qu’aucun autre d’entre nous ne peut espérer obtenir et qui faussent son jugement quant aux besoins des autres départements dont il a la charge au sein du gouvernement.
La fracture et les factures
Notre pays est confronté à une fracture territoriale qui se surajoute à la fracture sociale, cette grande oubliée des années Chirac. Les collectivités locales et plus particulièrement les départements, doivent mener un nombre croissant de politiques publiques essentielles (aménagement, investissement, transports, routes, environnement, accompagnement des personnes âgées, insertion sociale des plus démunis,…). Nombre d’entre elles manquent cruellement des ressources nécessaires à l’accomplissement de leur mission. C’est particulièrement vrai dans certains territoires qui doivent faire face à des mutations sociales et urbaines pénalisantes.
Ces dernières années, les Conseils généraux ont fortement été mis à contribution par le gouvernement pour relayer et bien souvent financer une décentralisation qui se voulait partage et qui ne fut que délestage sur les départements et les régions de dépenses et de déficits que l’Etat ne voulait plus assumer. La dernière invention du gouvernement concerne la création de contrats d’avenir dans les écoles élémentaires. Ces contrats de 10 mois, pour 26 heures de travail hebdomadaire payées au SMIC horaire, sans formation préalable ne permettront pas une intégration durable dans le marché du travail. Pour le seul département de l’Essonne, le gouvernement propose la création de 835 contrats d’avenir pour les Rmistes. Les conditions de leur recrutement ne permettront pas de répondre aux attentes des directeurs d’école en matière d’assistance administrative et encore moins d’encadrer les enfants handicapés comme nous le demande le gouvernement. Comment peut-on croire qu’une personne non formée peut appréhender correctement les problèmes d’un élève handicapé ?
Ce plan ne sert finalement à rien d’autre qu’à produire artificiellement une baisse du chômage à quelques mois de l’élection présidentielle.
Et cette opération se fait sur le dos des Conseils généraux qui ont la responsabilité du RMI. Nous en assurons le financement grâce à une compensation que nous recevons de l’Etat. Non seulement cette compensation est partielle (l’Etat doit aux département près d’un milliard d’euros) mais le gouvernement nous impose désormais de mettre en œuvre des contrats d’avenir dont nous n’approuvons pas les conditions d’application et de les financer sans compensation. Une incitation à l’envers, parfait contre-exemple pour tous les étudiants en politiques publiques ! Pour toute réponse à la fracture territoriale et sociale, le gouvernement laisse le soin aux départements de payer une facture qui s’élève à 2,5 milliards d’euros pour les régions et les départements.
Dans ce cadre et alors que le gouvernement d’une cagnotte fiscale qui s’élèverait à cinq milliards d’euros, il serait loyal compte qu’une partie de la cagnotte revienne aux collectivités locales et plus particulièrement aux départements contraints pour 80% d’entre eux d’augmenter leur fiscalité en 2006 (déjà 75% en 2005) et qui ont augmenté leurs taux d’imposition de près de 20% depuis 2002.
Les territoires au cœur de 2007
Je tiens à lancer cette bouteille à la mer, à crier notre incompréhension et notre colère devant des pratiques qui témoignent une fois de plus des limites d’un régime à bout de souffle.
La gauche ne doit pas se tromper de combat. Elle doit construire un projet pour plus d’égalité territoriale. Les collectivités locales font face à une inadéquation grave : leurs ressources dépendent assez peu de leurs besoins et beaucoup trop de leurs richesses. Une voie nouvelle, plus juste devrait équilibrer la balance. Le combat des territoires compte beaucoup pour la vie quotidienne des Français, c’est un enjeu essentiel. L’organisation territoriale devra être au cœur d’un projet qui redonne du sens à la République et qui renoue avec une volonté de progrès pour la France.