Je vis au Champtier du Coq depuis ma plus tendre enfance au pied de la Tour Baudelaire. Notre décor urbain est peuplé de noms de poètes, d'artistes, de femmes et d'hommes engagés qui sont autant d'invitations à la découverte. J'aime particulièrement au Canal à Courcouronnes, les rues portant les noms de chansons de Jacques Brel et de Georges Brassens.
En cette période de fête, je vous invite à découvrir Moesta et Errabunda, le beau poème mélancolique de Charles Baudelaire. Il est tiré des Fleurs du Mal et plus particulièrement de la partie Spleen et Idéal (nom du prochain album de Beni Snassen, le nouveau collectif rassemblé autour d'Abd Al Malik).
Amitiés, Fatou
Dis-moi ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe,
Loin du noir océan de l'immonde cité
Vers un autre océan où la splendeur éclate,
Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité?
Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe?
La mer la vaste mer, console nos labeurs!
Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse
Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs,
De cette fonction sublime de berceuse?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs!
Emporte-moi wagon! Enlève-moi, frégate!
Loin! Loin! Ici la boue est faite de nos pleurs!
- Est-il vrai que parfois le triste coeur d'Agathe
Dise: Loin des remords, des crimes, des douleurs,
Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate?
Comme vous êtes loin, paradis parfumé,
Où sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie,
Où tout ce que l'on aime est digne d'être aimé,
Où dans la volupté pure le coeur se noie!
Comme vous êtes loin, paradis parfumé!
Mais le vert paradis des amours enfantines,
Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,
Les violons vibrant derrière les collines,
Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets,
- Mais le vert paradis des amours enfantines,
L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,
Et l'animer encore d'une voix argentine,
L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs?